J'interviens tardivement dans cette discussion technique, juste pour préciser quelques points de géométrie qui imposent des contraintes plus ou moins fortes aux systèmes redresseurs d'image dont on peut rêver. Mais qui n'interdisent pas dans l'absolu une solution sur la base de miroirs croisés.
Pour que l'image réelle d'un objet réel donnée par un objectif classique soit redressée, il faut lui faire subir une rotation de 180° autour de l'axe optique.
Les composants optiques qui réalisent cette fonction furent, historiquement, pour commencer, le système appelé 'véhicule redresseur' dans les longues-vues de marine. C'est un système convergent travaillant en 2f-2f au grandissement -1, qui réalise cette fonction en toute simplicité, mais au prix du passage dans un système optique non corrigé des aberrations. À la rigueur pour une visée sur dépoli, on pourrait penser que ce n'est pas gênant, mais une aberration chromatique longitudinale est une catastrophe pour la mise au point précise sur un objet multi-colore !!
Mais poursuivons cette solution à lentilles : Il est en principe possible de viser l'image aérienne qui se formerait sur le dépoli de chambre à travers un tel système, 2f-2f, grandissement -1, qui donnera une image réelle et droite du sujet sur un dépoli situé par derrière le redresseur ; ou bien d'observer l'image qui se forme sur le dépoli à travers ce système 2f-2f à grandissement -1.
Mais outre la délicate question des aberrations chromatiques longitudinales du véhicule redresseur, surtout si on place le dépoli en sortie de l'ensemble, il y a une condition importante sur la limitition des rayons les plus inclinés. De fait, cette solution est inapplicable, même sans aberration chromatique, on ne pourrait pas voir tout le champ derrière une optique grand angulaire de chambre.
Dans les longue-vues anciennes, le système véhicule redresseur, outre le fait qu'il bride les angles les plus inclinés, se traduit en plus par une perte de luminosité et de netteté très gênantes.
On lui préfère aujourd'hui donc un système de prismes combinés basés sur l'effet de réflexion totale.
Un grand avantage des réflexions c'est que toutes les couleurs sont réfléchies de la même façon ; exit donc les aberrations chromatiques !!!
Pour faire une rotation de 180° il suffit de combiner judicieusement un nombre pair de symétries par rapport à des plans croisés, c'est à dire, en optique, des réflexions sur des miroirs plans astucieusement combinés.
Il existe une solution à prise équilatéraux croisés, qui est classique dans les jumelles classiques et qui leur donne leur forme particulière.
Dans de nombreuses jumelles modernes, en particulier les jumelles compactes, on utilise un autre système de prismes redresseurs dans l'axe.
Avec juste 2 réflexions, il ne me semble pas possible de réaliser la rotation de 180° dans l'axe (à vérifier) il me semble qu'il faut au moins 4 réflexions comme dans les prismes équilatéraux croisés des jumelles.
Les miroirs métallisés ne coûtent pas très cher et on peut leur donner une surface assez grande pour que les rayons sortant d'une optique de chambre grand angulaire ne soient pas coupés par le redresseur.
Pourquoi préfère-t-on des prismes en verre monobloc ? Je pense que c'est parce qu'on peut usiner les faces de façon très précise, et qu'on obtient un système de miroirs indéréglable, dont les arêtes s'ajustent entre elles de façon parfaite sans défaut de jointure.
Pourquoi des réflexions totales sur du verre, et non pas simplement des métallisations ?
Sur un prisme de verre non traité, l'angle maxi de réflexion totale pour les rayons qui tournent à l'intérieur du verre d'indice n=1,5 en cherchant à sortir dans l'air est autour de 45°. Il se trouve que la réflexion totale (interne, verre->air) correspond à un coefficient de réflexion de 100% sans aucune perte, alors que le coefficient de réflexion meilleure métallisation tourne autour de 90%. Lorsqu'on combine plusieurs réflexions, on préfère donc minimiser les pertes.
La plupart des prismes modernes recoivent des traitement réfléchissants multi-couches non métalliques pour que cette llmite de 45° soit augmentée sans pénaliser le coefficient de réflexion.
Dans un reflex mono-objectif, il y a déjà une réflexion sur le miroir de l'appareil, il faut donc pour redresser l'image totalement appliquer un nombre impair de réflexions sur des plans croisés, la solution classique s'appelle le prisme en toit ou pentaprisme, c'est un prisme différent de celui des jumelles puisqu'il y a trois réflexions au lieu de 4 dans les prismes équilatéraux croisés.
Il y a plusieurs sortes de prismes possibles, selon qu'on souhaite en sortie une visée redressée d'axe parallèle à l'axe optique de l'objectif, ou bien si on accepte une déflexion de 45°. Par exemple, les prismes Hasselblad NC-2 avec visée à 45° me semblent plus compacts que les pentaprismes avec sortie parallèle à l 'axe optique, ce sont deux combinaisons de réflexions différentes.
Bien entendu avec une chambre équipée d'un miroir placé à 45° après le dépoli, un tel prisme classique fournira en principe le redressement total demandé.
Si on essaie de réaliser l'équivalent d'un prisme redresseur pour reflex avec 3 miroirs, dans le but louable de s'épargner l'énorme bloc de verre, se pose alors un problème délicat de jointure précise des morceaux de miroirs et d'ajustement précis des angles pour qu'il n'y ait pas de dédoublement de l'image. C'est l'une des autres raisons pour lesquelles le pentaprisme monobloc est devenue la solution universelle dans les appareils reflex.
En résumé, ce que l'on sait des jumelles et des appareils photo reflex nous suggère deux voies possibles, mais pas forcément très faciles à mettre en pratique sur une chambre grand format :
1/ l'application d'un pentaprisme ou prisme redresseur à 45° ; ou son équivalent en 3 miroirs croisés, rajouté derrière un miroir à 45° placé derrière le dépoli ;
2/ ou bien utiliser l'équivalent à 4 miroirs des prismes des jumelles classiques, pour observer le dépoli à son emplacement habituel : pour cela il suffit en principe d'un premier jeu de 2 miroirs en coin à nonante degrés, croisé avec un deuxième jeu identique.
Cela se traduit alors par un déport de l'image sur le côté. Plus une difficulté certaine, assez décourangeante ;-) : comment placer la loupe directement sur le dépoli avec tout cet attirail ? Mais quand on aime ... ;-)
[hors sujet pour terminer] les reflex de petit format, cependant, semblent ignorer le prisme redresseur à 45° à la façon du NC-2 Hasselblad ou sa copie de Kiev, une raison supplémentaire pour préférer la bio-diversité des solutions optiques en moyens et grands formats.
E.B.